Coupeau sur le toit (chapitre IV)




Gervaise forme désormais un couple exemplaire avec Coupeau, l'ouvrier-zingueur. Après la naissance de Nana, Gervaise projette d'acheter une blanchisserie grâce à l'argent épargné. Quant à Coupeau, il se consacre à son métier d'artisan. Le narrateur nous le présente ici en train de travailler sur un toit.


Ier axe : Un artisan bien observé

Zola nous présente une scène qu'il semble avoir observée de manière précise. (esthétique naturaliste)

  • Un artisan consciencieux : importance du champ lexical propre au zingueur : " feuilles de zinc", " établi ", " tréteaux ", " coups de cisaille ", " réchaud ", "soufflet " : vocabulaire technique qui nous donne l'illusion d'assister à la scène (lieu de travail, installation de fortune, outillage)

    Le narrateur évoque les gestes précis du couvreur : " poser ", " avait installé ", " l'ouvrier taillait ", " penché sur l'établi "

    Dialogue réduit au minimum : " hé ! Zidore, mets les fers ! " : traduit l'application du zingueur.

  • Un artisan à l'aise : apparemment, les mots utilisés neutralisent tout caractère dramatique : " tranquillement ", " pareil à un tailleur coupant chez lui ", " comme chez lui, en chaussons ", " traînant les pieds "

  • Un artisan indifférent au danger : Coupeau est heureux (" sifflotant ") et plusieurs verbes suggèrent son indifférence au danger : " il se laissa couler ", " s'arc-bouta ", " pendait ", " se renversait ", " se rattrapait " : suggère une sorte de funambule.


    IIème axe : La progression dramatique

    Cependant, cette évocation de Coupeau contient aussi sur une progression dramatique. Celle-ci repose surtout sur l'utilisation du temps, de l'espace et la gradation de certains signes.

  • Le rôle de la chronologie : le narrateur fait se correspondre l'achèvement du travail de Coupeau (" Coupeau terminait ") et la fin du jour, le crépuscule (" un beau soleil de mai se couchait "). De plus, deux couleurs se font écho : " dorant les cheminées " / "la braise, d'un rose pâle ". Véritable mise en scène. Zola ne se contente donc pas de copier la réalité.

  • L'importance de l'espace : deux expressions construites en chiasme, au début et à la fin du texte, opposent le haut et le profond : " Et, tout là-haut, dans le ciel clair/ " à cause du trottoir, là-bas, sous lui. " Le narrateur suggère à la fois la verticalité et la chute. A l'aisance de Coupeau dans les hauteurs (Coup/eau = Coupe/haut, calembour permis par la comparaison antérieure avec le " tailleur ") fait écho la chute toujours possible.

    De plus, le thème du vertige, de la chute est suggéré par la gradation : " le toit était presque plat ", " il y avait une brusque pente ", " le trou béant de la rue se creusait ". Ce thème de la chute est à mettre en relation avec la tombée du jour.

  • L'évolution des gestes de Coupeau : les gestes du zingueur suivent une gradation : Coupeau se déplace de plus en plus vers le bas : " toit était presque plat ", " au bord du toit, près de la gouttière ", " brusque pente ", " trou béant ", " arrivé devant le trou ", "là-bas, sous lui "

    Au début, Coupeau devait [...] " poser les dernières feuilles de zinc " ; vers la fin, il " tenait la dernière feuille de zinc " : passage du pluriel au singulier. C'est un geste ultime !


    Conclusion :

    Ce texte part d'une scène de la vie ordinaire, bien observée par le romancier.(esthétique naturaliste) Mais discrètement, le narrateur évoque, en filigrane, la menace qui guette le zingueur avec le thème de la chute. Cet extrait est un moment capital dans le roman, puisque l'accident de Coupeau sera une mise en oeuvre de la fatalité.


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