La rencontre avec Goujet (" C’était le tour [...] de grande dame ")


Situation :

Comme son fils Etienne est en apprentissage chez le forgeron Goujet, Gervaise passe un jour à la forge. Goujet est discrètement amoureux de la blanchisseuse. Or, un autre ouvrier, surnommé Boit-sans-Soif, se permet des plaisanteries au sujet de Gervaise. Irritation de Goujet:  il jette alors un défi à Boit-sans-Soif : fabriquer seul un boulon de 40 mm. Boit-sans-Soif forge son boulon (en 30 coups). Puis c’est le tour de Goujet, surnommé la Gueule-d’Or. La scène est vue par Gervaise (focalisation interne)

Ier axe de lecture : Une valorisation du travail manuel :

En décrivant le forgeron Goujet et en l’opposant à Boit-sans-Soif, Zola montre la noblesse du travail manuel. Il fait l’éloge du véritable artisan. Véritable dimension argumentative de ce passage. Ainsi, Goujet met en valeur :

- la maîtrise des gestes : " il ne se pressa pas ", " avec une science réfléchie ".

- la beauté des mouvements : "jeu [...] balancé et souple "

- la régularité : " à grandes volées régulières ", " en cadence "

- l’élégance : importance de la métaphore filée de la danse : l’artisan et son marteau (personnifié sous les traits d’une femme " Fifine ") forment un couple : " Fifine [...] s’enlevait, retombait en cadence, [...] menuet ancien [...] tapaient la mesure "

Mais tous ces termes mélioratifs sont opposés à des termes péjoratifs se rapportant au travail du rival : " ne dansait pas un chahut de bastringue ", " guibolles emportées par dessus les jupes " : allusion au marteau de Boit-sans-Soif.

Enfin, Goujet symbolise :

- la sobriété : " ce n’était pas de l’eau-de-vie [...] c’était du sang, du sang pur " : Zola fait donc l’éloge de l’ouvrier sobre et montre sa supériorité sur l’alcoolique.

 

IIème axe de lecture : La métamorphose de Goujet :

Goujet (la Gueule d’Or) est pris en charge par le regard de Gervaise et il va se métamorphoser successivement en un héros courtois (chevalier), en surhomme et enfin en un dieu.

- un héros courtois : Goujet va se battre vaillamment comme un héros courtois pour sa dame (" il jeta [...] un regard plein d’une tendresse confiante ") : amour pur, courtois.

De plus, le défi qu’il jette à son rival est comme la transposition d’un duel médiéval entre deux chevaliers.

- un surhomme : puis le forgeron au travail s’impose par sa musculature imposante. Imortance des hyperboles : " un homme magnifique ", " un cou pareil à une colonne ", " une poitrine vaste, large ", " des épaules et des bras sculptés [...] copiés sur ceux d’un géant ", " des montagnes de chair " : Zola utilise le vocabulaire de la sculpture (on pense aux statues des héros grecs de l’Antiquité)

- un dieu : le forgeron possède une force surhumaine et le regard de Gervaise le transfigure en un dieu (divinisation). Tout son corps est comme baigné de lumière : " s’allumaient ", " éclairaient toute la figure de leurs fils d’or ", " figure d’or ", " clarté autour de lui " : allusion à Vulcain, dieu des forgerons.

" il devenait beau, tout-puissant, comme un bon Dieu " : discours indirect libre . C’est Gervaise qui pense (d’où la comparaison " comme un bon Dieu " et non " comme un dieu ")

 

Conclusion :

Cette évocation de Goujet a donc d’abord une portée argumentative : Zola veut démontrer la valeur du travail manuel (il s’adresse à des lecteurs bourgeois) et condamner l’alcoolisme.

Mais le portrait du forgeron prend aussi une tonalité épique : il devient un héros (courtois, puis de légende), puis un véritable dieu.

 


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