Je
pense à Jean-Jacques
Je pense à Jean-Jacques
Rousseau, aux matinées
de cerises mouillées,
avec des jeunes filles.
Il était fantasque
et aimant par les belles soirées,
au clair de lune, avec
Madame dErneville ( ?)
Il disait, à
peu près des phrases comme ici :
Non ! Je ne vis
jamais gorge mieux faite...
Cest dans ce
temps que je lus un nouveau poète...
Mes bas étant
troués, elle men fit raillerie.
Où es-tu, vieux
temps ? Où es-tu, triste botaniste
qui cueillais dans
les bois la mousse et le colchique ?
Dans les Académies,
on posait des principes.
On demandait raison
au nom de la Justice.
Ô Jean-Jacques !
Au fond des humides bois noirs,
sur le flanc des collines
vertes, par les beaux dimanches,
tu causais avec lEternel
et tu allais boire
à la source
de la Vérité toute blanche.
Thérèse
préparait la soupe. Pendant ce temps
tu répondais
à dinjustes accusations,
ou bien à quelque
amie pour qui ta passion
acheva de ruiner ta
santé chancelante.
Je crois entendre encore
claquer un clavecin.
Une avait un point
noir tout au coin de la lèvre,
et un autre pareil
sur le milieu du sein !...
La lune qui brillait
augmentait votre fièvre.
Jamais tu naimas
mieux que cette fois encore.
Des enfants qui jouaient
abîmaient la pelouse.
Tu fus pressant. Mais
elle, avec grâce jalouse,
ne te permit que ce
que la bienséance accorde.
Ô Jean-Jacques !
Ton singulier souvenir
est comme une vieille
et jaune liasse
de lettres décachetées
et couvertes de taches
dencre et de
pluie, triste à faire mourir.
Francis Jammes, De lAngelus de laube à
lAngelus du soir
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