Texte argumentatif où Zola justifie son projet d'écriture
Les Rougon-Macquart doivent se composer d'une vingtaine de romans. : suite de 20 romans racontant l'histoire d'une famille sous le Second Empire (plusieurs générations). Il s'agit d'une vaste fresque. Cette famille est constituée de deux branches issues d'Adélaïde Fouque : la légitime (les Rougon) et la bâtarde (les Macquart). Les membres de cette famille vivent à Paris ou en province.
L'Assommoir
est venu à son heure : c'est le
7ème roman de la série, consacré à
la classe ouvrière (ou plutôt celle des artisans).
Le
second
roman consacré à la classe ouvrière sera
Germinal.
Lorsque
L'Assommoir a paru dans un journal, il a été attaqué
avec une brutalité sans exemple, dénoncé,
chargé de tous les crimes : ce roman
est d'abord publié en 1876 dans un journal, sous forme
de feuilleton. Il provoque très vite un succès de
scandale. Le public est choqué par la violence de certaines
scènes.
Est-il
bien nécessaire d'expliquer ici, en quelques lignes, mes
intentions d'écrivain ? : précaution
oratoire de Zola qui, dans cette préface, va rappeler son
projet d'écrivain.
J'ai
voulu peindre la déchéance fatale d'une famille
ouvrière, dans le milieu empesté de nos faubourgs
: importance de l'hérédité dans le roman
zolien et influence du milieu.
1) L'hérédité
L'hérédité est la clé de voûte de la fresque que constituent Les Rougon-Macquart.Zola est influencé par les travaux du Dr Lucas sur l'hérédité naturelle. Il écrira d'ailleurs : Je veux montrer comment une famille, un petit groupe d'êtres, se comporte dans une société, en s'épanouissant pour donner naissance à dix, à vingt individus, qui paraissent, au premier coup d'oeil, profondément dissemblables, mais que l'analyse montre intimement liés les uns aux autres. L'hérédité a ses lois, comme la pesanteur.
2) L'influence du milieu
Les
personnages des romans de Zola traverseront tous les milieux sociaux
: aristocratie, bourgeoisie, milieu ouvrier, monde des paysans,
clergé, univers des artistes... L'action de L'Assommoir
est ainsi située dans le quartier de la Goutte-d'Or : si
Zola parle de "faubourg[s]", c'est que ce quartier n'est
pas encore rattaché à la capitale. Il est même
séparé de Paris par une barrière.
C'est
de la morale en action, simplement : Zola se
défend d'intervenir dans son roman pour porter un jugement
sur ses personnages ou interpeller le lecteur. Mais L'Assommoir
est cependant une dénonciation du fléau de l'alcoolisme
et un réquisitoire politique. Zola s'attaque à la
réalité objective de la misère.
Souvent
j'ai dû toucher à des plaies autrement épouvantables
:
cette métaphore médicale est fréquente sous
la plume de Zola qui, comme tout écrivain naturaliste,
prétend faire l'autopsie de la société de
son temps.
La
forme seule a effaré. On s'est fâché contre
les mots. Mon crime est d'avoir eu la curiosité littéraire
de ramasser et de couler dans un moule très travaillé
la langue du peuple.[...] personne n'a entrevu que ma volonté
était de faire un travail purement philologique :
Zola est un des premiers à écrire un "roman
parlé". Mais si l'utilisation de l'argot aide à
créer la simulation du vrai (illusion référentielle),
il faut voir au-delà. L'écrivain insiste aussi sur
son projet esthétique et la dimension "littéraire"
de son roman. A son époque, seul un Mallarmé semble
avoir perçu cette portée esthétique de son
roman, lui qui parlera d' "admirable tentative de linguistique",
capable d'émouvoir.
Conclusion
Cette
préface rappelle le projet de Zola :
Dimension
scientifique
: faire l'autopsie de la société du Second Empire,
en tenant compte de l'importance de l'hérédité
et de l'influence du milieu.
Dimension
morale
: dénoncer les injustices et les fléaux comme l'alcoolisme.
Dimension
esthétique :
donner à la langue du peuple, à la langue des exclus,
une dimension littéraire.