DE L'UTOPIE A LA CONTRE-UTOPIE

 

Les créateurs d'utopies rêvent d'une société idéale et évoquent dans leurs récits des mondes parfaitement heureux : dans l'Antiquité grecque, Aristote raconte que l'architecte Hippodamos de Milet "entreprit de tracer un plan de constitution idéale". Il proposa de faire correspondre aux quartiers de la ville de Milet chacune des fonctions de ses citoyens. Cette idée d'une cité découpée selon une rationalité géométrique exprime un rêve de perfection.

Mais c'est Platon qui, avec "La République", est le véritable précurseur du récit utopique. Il rêve d'une cité puissante, homogène, capable d'endiguer toute rébellion intérieure. Athènes sera donc cette ville idéale. Trois classes la composent : les artisans et les agriculteurs assurent la production des biens ; les soldats défendent la cité ; enfin des "gardiens" l'administrent. Dans cette dernière classe, hommes et femmes reçoivent la même éducation. L'intérêt communautaire est primordial : la cellule familiale est inadaptée. Le but est d'intégrer l'individu au tout social qu'est la cité.

C'est l'anglais Thomas More qui, au XVIème siècle, forge le mot "utopie" qui, étymologiquement, signifie "lieu de nulle part", mais aussi lieu hors du temps, hors de l'histoire. More transporte le lecteur dans l'île d'Utopie. Celle-ci est entièrement planifiée : toutes les villes sont bâties sur le même plan et comptent les mêmes édifices. L'industrie de base est l'agriculture. La communauté des biens abolit l'inégalité. Chacun travaille six heures par jour, le reste du temps étant consacré à l'étude.

Ecrivain du XVIème siècle, l''italien Campanella écrit son utopie "La Cité du Soleil" en prison. Son livre rappelle "l'Utopie" de More et l'oeuvre de Platon. Sa cité est protégée par sept enceintes fortifiées. L'économie relève d'un communisme de gestion et de production. Les unions sont contrôlées et on pratique l'eugénisme.


Les récits utopiques, on le voit, définissent des sociétés où tout est organisé, codifié pour le bonheur de l'homme. Aussi ne faut-il pas s'étonner si, dès le début, l'utopie se voit doublée de son envers, la contre-utopie. Celle-ci va se moquer des prétentions à vouloir organiser le bonheur des hommes. La première forme de la contre-utopie est théâtrale : dans "Les Oiseaux", le dramaturge grec Aristophane montre deux sages athéniens qui décident de fonder avec les oiseaux une ville entre terre et ciel : ils fuient ainsi les contraintes des cités idéales.

A l'aube du siècle des Lumières, Swift retourne contre elle-même les armes de l'utopie et s'adonne à un véritable jeu de massacre. Deux siècles plus tard, le russe Zamiatine, puis Orwell, anglais, ajoutent à la satire la dimension tragique de l'expérience et mettent en garde contre des promesses lourdes de menaces pour l'espèce humaine. Les autres créateurs de récits contre-utopiques seront Huxley, Ray Bradbury, Ira Levin. On peut même dire qu'actuellement, une grande partie de la littérature de science-fiction s'inscrit dans ce courant de la contre-utopie.

 

(dossier réalisé à partir du remarquable ouvrage de Georges Jean : "Voyages en Utopie")


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