HUBERT MONTEILHET, LES BOURREAUX DE CUPIDON


(livre poche n° 13517)



Une réécriture du Cid

Hubert Monteilhet, les Bourreaux de Cupidon


Le héros meurtrier à pas lents se promène :
 « Dieu ! » soupire à part soi la plaintive Chimène,
 « qu'il est joli garçon l'assassin de Papa ! »

                                    (Georges Fourest, « le Cid »)


Ce sont les alexandrins prononcés par Chimène à propos de Rodrigue, dans un sonnet dû à la plume malicieuse de Georges Fourest. C’est ce qui échoit aussi à l’héroïne d’Hubert Monteilhet dans Les Bourreaux de Cupidon, la fière catalane Purificacion, ou plus exactement Pouri, son diminutif.

L’action se déroule vers la fin de la guerre civile espagnole, il y a un quart de siècle environ. Un officier nationaliste a donné l’ordre d’exécuter le père de Pouri, ainsi que son oncle Pablo. Ce dernier a survécu et s’est occupé de l’éducation de Pourri. Il lui donnera le nom de l’assassin de son père. La jeune femme voudra alors venger l’honneur de son père en exécutant le meurtrier.

Elle a appris que le capitaine Juan Villaviciosa (l’assassin) doit se rendre en Italie en Mercèdes et, autres temps autres mœurs, la jeune Pourri l’attendra…en faisant de l’auto-stop. Mais elle va découvrir que l’assassin de son père est un séduisant jeune homme. Bref, Pourri se retrouve dans une situation cornélienne. C’est un peu Le Cid revisité.

Pourri est étudiante en philosophie mais n’hésite pas à déchirer « sa carte du parti communiste » parce qu’elle n’a que faire des leçons de morale de ce dernier quand certains jugent sévèrement son intention de tuer Juan Villaviciosa :

« - Quelle mouche te pique ? fit Lévy fils.

-          Je vais tuer un salaud, dit Pouri. Si je me fais attraper, il vaut mieux que le Parti n’en souffre pas.

[…]

-          Tuer quelqu’un ! s’écria-t-il, tu veux tuer quelqu’un ? Mais c’est de la folie ! Tu es devenue complètement immorale, ma pauvre Pourri ! Et d’abord, tu n’as aucune raison valable de tuer qui que ce soit sans l’approbation du parti »

[…]

-          C’est une affaire de famille, finit-elle par déclarer […] Et qui plus est, une affaire d’Espagnols.

Et Pouri ne compte que sur elle pour mener à bien sa vengeance : « Je sais que je dois agir toute seule ». Elle demande cependant conseil au vieux armurier Gomez :

« Elle avait grande confiance dans le vieux Gomez, dont la réputation n’était plus à faire : incendies, évasions, embuscades, attentats, batailles rangées… Il avait tout pratiqué »

C’est lui qui lui conseille l’auto-stop pour approcher sa victime :

« - C’est bien simple : tu fais du stop à la sortie de Toulouse. Ton capitaine t’embarque. Dans la campagne, tu lui demandes de s’arrêter : un pipi ou un baiser… c’est du pareil au même ! Tu lui mets une balle dans la tête et tu te sauves… »

Le scénario se met en place. Pouri se prépare comme « un torero en train de vêtir son brillant habit pour l’estocade. » Puis le départ en auto-stop en direction de l’Italie aux côtés de Juan se réalise, comme dans un rêve. Mais Pouri n’oublie pas qu’elle doit exécuter sa vengeance :

« Il faut que je le tue le plus vite possible » pense-t-elle. L’ennuyeux, c’est que l’assassin de son père est beau comme un dieu et plutôt séduisant. Et généreux : « Pouri dut essayer un tailleur de daim havane, qui fut mis dans la valise. Suivirent une robe de toile bleu pastel, qui offrait un décolleté plongeant, une jupe folklorique ébouriffante aux vives broderies […].

Pouri était émerveillée par l’aisance de Juan, qui choisissait vite et bien, sans s’inquiéter des prix. » Ce jeu de la séduction ira en s’amplifiant, les cadeaux succédant aux cadeaux ; à telle enseigne que l’héroïne se trouvera désemparée : « Pouri joua un moment avec la radio, sélectionnant du Vivaldi en modulation de fréquence […] Elle tuait le temps, ne pouvant tuer autre chose. Et les villes défilent inexorablement à mesure que la Mercedes progresse : Vintimille, Gênes, Venise… Mais Pouri n’arrive pas à passer à l’acte, les questions surgissent : « Devait-elle frapper à l’aller  ou au retour ? Pouri se sentit toute faiblissante. » « Et la présence de ce Juan lui était de plus en plus odieuse, et d’autant plus encore qu’il était plus charmant. »

Le projet initial – tuer l’assassin de son père – semble être passé au second plan : « Elle comprenait un peu tard qu’il faut tuer les gens avant de les connaître – ou dès qu’on les connaît trop bien. ».

Le dernier chapitre précisera d’ailleurs explicitement que le roman est une réécriture du Cid de Corneille.




( merci à Jean-Michel Loubère qui m'a signalé ce roman )


SERIE NOIRE

ACCUEIL