L’atelier du poète : quatre états d’un poème de Jean Follain

 

PROMENEUR

Qui donc porte manteau à col de velours
et ce chapeau rigide et sombre
alors qu'est venu le moment
que les peaux les plus douces
se lassent des caresses
et vont chercher la paix des ombres ?
Ils peuvent bien tous dormir
l'âne, le boeuf et le vieux lièvre
lui veille dans le chemin qui mène
à la maison jaune à solives
et fait tourner entre ses doigts
une feuille mince cueillie à la haie.

 

C'est le poème publié en 1947 dans le recueil Exister. Les versions précédentes sont les différentes ébauches.
Le titre ne suggère plus aucune idée de suicide. Nous sommes loin de la première version ("Le suicide"). Il reste l'expression "la paix des ombres", formule un peu liturgique pour désigner la mort.
La modalité interrogative ("Qui donc[...]la paix des ombres ?") est importante dans cette dernière version du poème: ici, tout semble mis en doute.
L'élément érotique ("les peaux les plus douces/se lassent des caresses") est passé maintenant dans la première partie du poème.
Le thème de la campagne s'est maintenant enrichi d'un bestiaire: deux animaux de la crèche ("l'âne, le boeuf") et un lièvre ("le vieux lièvre") échappé d'une fable de La Fontaine.
L'ensemble représente une sorte d'enluminure médiévale où "la maison jaune à solives" serait la crèche.



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