L’atelier du poète : quatre états d’un poème de Jean Follain

LE SUICIDE (1)

Le manteau au collet de velours
l’avant de la manche
portant des boutons d’os
et le chapeau rigide et sombre
avec le corps et le visage
se portent au devant de l’eau noire.
C’était l’heure où tu dévêtais
les peaux les plus fines
dans les campagnes les plus belles
toi qui t’en vas vers ton suicide.

SUICIDE ANCIEN (2)

Le manteau au revers de velours
l’avant de la manche
portant des boutons d’or
avec le corps au blanc visage
se portent au devant d’une eau noire.
C’est l’heure où ses mains dévêtaient
les peaux les plus fines
dans les campagnes les plus belles.
Finies les musiques de Vienne
et les vieilles cloches de Paris
et la surprenante douleur.

DERNIER JOUR (3)

Le manteau à collet de velours
l’avant de la manche fermé
de boutons d’os
le jeune visage
sous le chapeau rigide et sombre
et le corps tout entier
se portent au devant du destin.
L’heure est venue
de dévêtir les peaux les plus fines
dans les campagnes merveilleuses
plus pour toi
marchant vers ta mort
ta main frôlant les baies acides.

PROMENEUR (4)

Qui donc porte manteau à col de velours
et ce chapeau rigide et sombre
alors qu’est venu le moment
que les peaux les plus douces
se lassent des caresses
et vont chercher la paix des ombres ?
Ils peuvent bien tous dormir
l’âne, le boeuf et le vieux lièvre
lui veille dans le chemin qui mène
à la maison jaune à solives
et fait tourner entre ses doigts
une feuille mince cueillie à la haie. (Exister, 1947)



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