A.D.G, LE GRAND MÔME


(Série noire n° 1717)

 

Une parodie grinçante du roman d'Alain-Fournier ou Le grand Meaulnes de la boue.


le grand Mome


Pour apprécier tout le sel de la chose, il faut savoir que celui qui signe ADG se nomme en réalité Alain Fournier, le presque homonyme de l'auteur du Grand Meaulnes, un roman qu'il prendra très vite en grippe au point d'en écrire une parodie grinçante, Le grand Môme sous forme de polar.
Le début du récit reprend en effet ironiquement l'incipit du roman d'Alain-Fournier : " C'est parce que le moteur de sa vieille Ami 6 avait craqué dans le milieu de la côte qu'il est entré dans notre vie " (" Il arriva chez nous un dimanche de novembre ")

L'action se déroule en Sologne : " Une douce brume s'effilochait sur le fleuve qui semblait expirer de la buée. Les peupliers des bords de Loire se prenaient pour les sentinelles des anciennes lanternes qui guettaient les barbares remontant le courant. "
Le héros se nomme comme il se doit Augustin : personnage au " charme étrange ", mais qui évoque plutôt " Prince Vaillant ", celui des " bandes dessinées avec son profil anguleux " que le prince charmant. Son étrangeté interpelle : " Je pense à Augustin parce que le mystère de son existence, de son voyage et de ses silences m'obsède. Qui est-il ? Où va-t-il ? "
Aux bohémiens présents dans le Grand Meaulnes se sont substitués de farouches manouches à la mine patibulaire : " c'est un grand baraquement, genre réfugiés provisoires, avec un toit de bois rafistolé bâche goudronnée, flanqué d'une caravane sans roues et d'un appentis construit de bric, de broc et de planches. "
Le " Domaine mystérieux " du Grand Meaulnes est bien loin. Dans Le grand Môme " jamais de Domaine inconnu, mais des pièges à loups et des cadavres de corbeaux. "

La femme aux cheveux blonds, mystérieuse, qui fera la rencontre d'Augustin se nomme Nathalie : " Nathalie était assise sur une maie et donnait à manger à la petite fille. Elle inclina la tête vers moi et regarda Augustin, gravement. " Elle mourra tragiquement et Augustin restera avec l'enfant : " Augustin revint vers nous, se pencha sur sa fille et l'embrassa sur les lèvres. La gosse se mit à rire et lui envoya une petite claque sur le nez. "
Et puis il y a François, Ganache, le " Cercle ", " le cahier " d'Augustin, son " secret ", un peu comme dans le roman d'Alain-Fournier : " Que cherche-t-il ? La mère de la petite ? Un ami ou un ennemi ? Un trésor enfoui et très ancien ? Il faudrait lui poser la question, mais qui l'oserait ? ".
Et bien sûr il y a l'automne avec ses feuilles qui ne sont pas les seules à mourir : " J'aimerais qu'il neige pour définitivement assassiner l'automne, cette saloperie de saison à spline qui chavire la tête des jeunes gens, leur fait rêver Dieu sait quoi en se lamentant "
Mais Le grand Môme n'emprunte guère le registre lyrique, loin s'en faut ! Les scènes triviales, les coups bas, le personnage nommé " Machin ", l'argot sont plutôt un pied de nez au romantisme d'Alain-Fournier : c'est ici Le grand Meaulnes de la boue !

Avec ce polar, ADG va donc rompre le cou au fantôme d'Alain-Fournier. L'auteur, on le sait, a été souvent discrédité pour ses idées politiques d'extrême droite peu louables, mais la lecture du Grand Môme reste une parodie cruelle qu'il faut connaître. A lire même si on n'apprécie que modérément les " fachos " !

 


Au cinéma, Le grand Môme a donné lieu à un film TV réalisé par Jacques Ertaud avec Laurent Gendron, Alexandra Lorska et Paul Leski

 

( Merci à A. Massimi de m'avoir signalé ce livre ! )


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