Disciple de
Chet Atkins et Merle Travis, Jerry Reed Hubbard (son vrai
nom) a non seulement dépassé ses maîtres mais
aussi sorti le picking de son ghetto. A la fois chanteur et guitariste,
il s’inspire également de la technique du banjo :
bref, un jeu époustouflant qui apporte un souffle nouveau
au monde du " picking " (à écouter
dans ses duos avec Chet)
Voilà ce qu'en
dit Christian Seguret:
"[...] à l'en croire, Jerry Reed ne serait pas
à proprement parler un guitariste, mais un chanteur qui
jouerait de la guitare et accessoirement écrirait des chansons.
Sans compter ses talents d'acteur, de producteur, de présentateur
télé qu'il passe modestement sous silence [...]
C'est vrai que tout cela fait beaucoup de talents qui semblent
presque gaspillés dans les mains d'un même homme,
tant Jerry Reed semble accepter avec un plaisir tranquille et
ironique son habileté à transformer tout ce qu'il
ébauche en or ou en platine. Même ses erreurs ont
du talent ; et il faut entendre Reed se planter sur un disque,
et se moquer de lui-même en nous offrant son rire sonore
en guise de chorus pour comprendre que le comédien Reed,
l'acteur et le chanteur Reed, sont toujours bien une seule et
indissociable personne : un merveilleux cabot qui a toujours aimé
se donner en spectacle et qui y réussit ma foi fort bien.
[...] tout a commencé au son désuet et nasillard
du "Grand Ole Opry" : la famille modeste mais unie[...]les
virées nocturnes et secrètes dans les bouges pour
piquer des plans aux musiciens locaux, la dévotion touchante
pour Chet Atkins et Merle Travis. Tout y est, jusqu'au producteur
providentiel qui viendra arracher le jeune chanteur de l'"usine
de coton" où il s'ennuie[...] Reed, qui est né
le 20 mars 1937 épuise alors ses 17 ans. Le producteur
en question [...] se nomme Bill Lowery. Il arrive à convaincre
les disques Capitol du talent du jeune garçon, Jerry Reed
Hubbard [...] Deux ans sous les drapeaux. [...] en route pour
Nashville. Nous sommes en 1961. [...] Reed va connaître
pendant des années le circuit infernal des clubs minables
[...] avant de rencontrer celui par qui le miracle arrive si souvent
: vous avez deviné : Tonton Chet. Mr Atkins lui-même.
Tout va alors très vite : [...] en quatre années,
cinq albums voient le jour : le savant mélange de gospel,
de blues, de bluegrass et de guitare style Travis-Atkins que Reed
développait depuis des années est enfin arrivé
à maturité : la musique est spontanée, délirante
et sympathique jusque dans ses imperfections [...]
Le succès est immédiat : les disques se vendent
bien, les tournées se succèdent : et, en 1968, Presley
décide d'enregistrer "Guitar Man" et "US
Male", deux des premiers titres chez RCA : Reed lui-même
est appelé pour assurer les guitares sur les deux titres.[...]
En 1970, il n'enregistre pas moins de trois albums qui vont se
classer dans les charts, suivis d'un simple : "Amos Moses"
[...] Les tubes se suivent : "When You're Hot, You're Hot",
en 1971, "Lord Mr Ford" en 1973, les prix et les distinctions
pleuvent [...]
Le cinéma commence à lui faire des avances de plus
en plus pressantes : le pas est définitivement franchi
en 1975 : "W.W and The Dixie Dance King" voit le chanteur-guitariste-auteur-producteur
Jerry Reed faire ses premiers pas de comédien : essai transformé
et arrivée remarquée d'un autre "US Male"
au sommet de sa forme, Burt Reynolds qui entraîne Reed dans
une gentille comédie à cascades : "Smokey and
the Bandit" [...] et deux ans plus tard "Smokey and
the Bandit Ride Again". [...] Les deux films, sortis en France
sous les titres de "Cours après-moi sheriff"
et "Tu fais pas le poids sheriff", sont bien sûr
illustrés de musiques du "Guitar Man" [...]

Reed écoute
[...] de nombreux pianistes, en particulier Ray Charles, et son
jeu de basse, au départ calqué sur le mouvement
d'alternance cher à Travis, commence à s'évader
vers des phrases en contrepoint plus pianistiques. Le son qu'il
tire alors de ses vieilles guitares nylon est caractéristique,
et ses premières rythmiques danss disques RCA vont marquer
plus d'un guitariste de la génération montante,
de Mark Knopfler à Albert Lee. [...]
Autre aspect essentiel du style de Jerry Reed : son jeu que l'on
pourrait baptiser "mélodique" pour reprendre
une expression utilisée par les banjoïstes. La comparaison
n'est d'ailleurs pas totalement gratuite : Reed, comme les banjoïstes
à l'époque où il développait son style,
est un "finger picker" ; en d'autres termes, il joue
surtout avec les doigts et rarement au médiator. Le problème
qui se pose à lui, comme aux banjoïstes, dès
lors qu'il désire jouer une phrase en note à note
relativement rapide, c'est bien cette absence de médiator
et ces trois ou quatre doigts bien encombrants dès qu'il
s'agit de pincer plusieurs notes successives sur la même
corde : c'est le cas dans "Jerry's Breakdown" ; ceci
nécessite un bon respect des doigts indiqués sur
la tablature, même s'ils ne semblent pas totalement logiques
au premier abord [...]
Reed est bien plus qu'un guitariste de country. C'est un artiste
complet et polyvalent qui a su mélanger les genres au risque
de dérouter ses admirateurs [...] Jerry Reed, fidèle
à sa légende s'en tire par une pirouette : "tant
pis, je resterai simplement un garçon de Georgie nommé
Jerry Reed Hubbard, qui a fait de son mieux avec sa guitare, et
qui ensuite va pêcher et oublie tout ça"
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