DIDIER LAMAISON, OEDIPE ROI

(Série noire n° 2355)


Oedipe-Roi

Une réécriture de la tragédie de Sophocle


C'est un objectif bien modeste que se propose Didier Lamaison, puisqu'il présente son roman comme simplement "traduit du mythe". En réalité, il nous convie à une authentique et superbe création. Sa tentative de marier la tragédie de Sophocle et le polar est plus qu'un coup d'essai. C'est un véritable coup de maître. Ecoutons Didier Lamaison : " Les amateurs de polars adorent se réclamer de la poésie ou de la tragédie classique. C'est pour eux une manière réjouissante, provocatrice de revendiquer l'éternité de la littérature face à ceux qui ne voient dans le roman noir qu'un genre mineur voué à la disparition.
Et l'auteur annonce qu'il a voulu aller plus loin dans "la provocation", "en publiant une nouvelle traduction de la plus noire des tragédies, celle qui raconte l'histoire de ce roi maudit qui est l'assassin de son père avant de devenir l'amant de sa mère et commandite une enquête qui le mènera à la découverte de sa propre culpabilité. Freud y puisa des trésors, tous les auteurs de la Série Noire aussi."


 

" Quelle information sérieuse t'a-t'il apportée sur le meurtre de Laïos ? Des pressentiments ! Des coïncidences ! De la cuisine mythologique ! Or les faits sont clairs : le roi de Thèbes a été assassiné par une troupe de bandits, à une date précise, en un lieu déterminé, le carrefour des routes de Delphes et de Daulis, en Phocide ! Qu'as-tu appris de plus ?
Ce détail géographique fit tressaillir Oedipe. Mais il désirait plus que tout apaiser cette femme, refermer ses meurtrissures. Il supportait mal, sur le visage de l'amour, les stigmates de la souffrance et de la haine. Dans l'horizon pur d'un soir d'été, on entend parfois les roulements lointains d'un improbable orage. L'amour avait fait Jocaste reine d'une insoupçonnable journée d'été. Oedipe ne voulait rien entendre de ces roulements lointains.
Jocaste maintenant se taisait. On n'entendait plus que le clapotis de leurs caresses.
- Mon Prince, chuchota-t-elle, il est temps, livre-toi !
Oedipe s'épancha.
- Je suis né à Corinthe, du roi Polybe et de la reine Mérope, dont je suis l'unique enfant. J'aimais tendrement mes parents...
Il sentit les caresses de Jocaste couler le long de son corps.
... dont j'étais tendrement aimé. J'étais un dauphin choyé. Rien ne paraissait pouvoir menacer ce bonheur. Un jour, au cours d'un banquet, un soiffard me traite de fils putatif...
Comme frappé par la spirale des aveux, il ne s'arrêterait plus.
... Cette insulte s'insinue profondément en moi. Je demande une explication à mes parents. Ils sont scandalisés. Mais l'idée ne me quitte plus. Je me rends à Delphes à leur insu... et là...
Jocaste frémissait.
... Une prédiction... une abomination... Tu t'uniras... à ta mère... et tu seras... l'assassin de... celui... qui t'a engendré...
Au centre du monde, il y avait maintenant ce couple chaviré.

 

(Oedipe roi, chapitre V)


SERIE NOIRE

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