Les Confessions

Observation des préambules 


Premier Préambule

Voici le seul portrait d'homme, peint exactement d'après nature et dans toute sa vérité, qui existe et qui probablement existera jamais. Qui que vous soyez, que ma destinée ou ma confiance ont fait l'arbitre du sort de ce cahier, je vous conjure par mes malheurs, par vos entrailles, et au nom de toute l'espèce humaine, de ne pas anéantir un ouvrage unique et utile, lequel peut servir de première pièce de comparaison pour l'étude des hommes, qui certainement est encore à commencer, et de ne pas ôter à l'honneur de ma mémoire le seul monument sûr de mon caractère qui n'ait pas été défiguré par mes ennemis. Enfin, fussiez-vous, vous-même, un de ces ennemis implacables, cessez de l'être envers ma cendre, et ne portez pas votre cruelle injustice jusqu'au temps où ni vous ni moi ne vivrons plus, afin que vous puissiez vous rendre au moins une fois le noble témoignage d'avoir été généreux et bon quand vous pouviez être malfaiteur et vindicatif : si tant est que le mal qui s'adresse à un homme qui n'en a jamais fait ou voulu faire, puisse porter le nom de vengeance

J-J Rousseau

Second Préambule

Je forme une entreprise qui n'eut jamais d'exemple et dont l'exécution n'aura point d'imitateur. Je veux montrer à mes semblables un homme dans toute la vérité de la nature ; et cet homme ce sera moi.
Moi seul. Je sens mon cœur et je connais les hommes. Je ne suis fait comme aucun de ceux que j'ai vus ; j'ose croire n'être fait comme aucun de ceux qui existent. Si je ne vaux pas mieux, au moins je suis autre. Si la nature a bien ou mal fait de briser le moule dans lequel elle m'a jeté, c'est ce dont on ne peut juger qu'après m'avoir lu.
Que la trompette du Jugement dernier sonne quand elle voudra, je viendrai, ce livre à la main, me présenter devant le souverain juge. Je dirai hautement : " Voilà ce que j'ai fait, ce que j'ai pensé, ce que je fus. J'ai dit le bien et le mal avec la même franchise. Je n'ai rien tu de mauvais, rien ajouté de bon, et s'il m'est arrivé d'employer quelque ornement indifférent, ce n'a jamais été que pour remplir un vide occasionné par mon défaut de mémoire ; j'ai pu supposer vrai ce que je savais avoir pu l'être, jamais ce que je savais être faux. Je me suis montré tel que je fus ; méprisable et vil quand je l'ai été, bon, généreux, sublime, quand je l'ai été : j'ai dévoilé mon intérieur tel que tu l'as vu toi-même. Etre éternel, rassemble autour de moi l'innombrable foule de mes semblables ; qu'ils écoutent mes confessions, qu'ils gémissent de mes indignités, qu'ils rougissent de mes misères. Que chacun d'eux découvre à son tour son cœur aux pieds de ton trône avec la même sincérité ; et puis qu'un seul te dise, s'il l'ose : " Je fus meilleur que cet homme-là."

Les Confessions, Livre I

 

 

 

Données sur la vie de Rousseau 

 

Chez Rousseau, on ne peut pas séparer l’homme / l’oeuvre : il a voulu mettre en effet sa vie en conformité avec ses écrits. Quelques aspects importants à retenir :
- C’est un marginal : il est à contre-courant des idées développées par les autres philosophes du XVIIIème siècle. Il conteste la notion de progrès et de civilisation. Jeunesse instable : né à Genève en 1712, il fuit la ville en 1728 et vagabonde à pied entre la Suisse, la France et l’Italie. Divers métiers : laquais, maître de musique, secrétaire. Quelques périodes de stabilité : à Annecy auprès de Mme de Warens, puis à Chambéry (Les Charmettes)
- C’est un autodidacte : études décousues. Il se passionne très vite pour la lecture. Il apprend un peu de latin. Il s’intéresse à la musique, la botanique.
- Il a des ambitions artistiques : en 1742, à Paris, il propose un nouveau système de notation musicale : échec. Il rencontre Diderot et écrit pour " l’Encyclopédie " des articles sur la musique. Il compose un intermède musical " Le Devin du village " : un certain succès. En 1749 : rendant visite à Diderot emprisonné à Vincennes, il lit dans un journal le sujet proposé par l’Académie de Dijon : " Si le progrès des sciences et des arts a contribué à corrompre ou à épurer les moeurs ? " : " illumination " soudaine : Discours sur les sciences et les arts : il soutient la thèse que le progrès n’a apporté que le malheur aux hommes. Obtient le 1er prix. Il devient célèbre, mais c’est un succès de scandale. Il contredit en effet l’opinion du siècle des Lumières. Dans son 2ème Discours (Discours sur l’origine de l’inégalité), il soutient que l’homme est naturellement bon et que c’est la société qui le corrompt.
- Il veut mettre sa vie en conformité avec son oeuvre : à partir de 1751, il se tient à distance de la société. Refuse d’être présenté au roi et de recevoir une pension. Il exerce un métier médiocre (il copie des partitions de musique). Il vit pauvrement et il vit depuis 1745 avec une femme du peuple, sans instruction : Thérèse Levasseur, servante d’auberge. Il a cinq enfants qu’il abandonne aux Enfants-Trouvés.
- Il pense être victime d’un complot : Ce n’est pas en fait une légende ! Son essai politique Le Contrat social (1762) et son ouvrage de pédagogie L’Emile(1762) sont condamnés par le Parlement. Rousseau est poursuivi et s’enfuit en Suisse, en Angleterre. Il est attaqué par les philosophes (Voltaire, Diderot, les encyclopédistes). Un tract anonyme dévoile au public l’abandon de ses enfants (l’auteur est Voltaire). On le traite de fou, de menteur. C’est dans ce contexte de crise que Rousseau décide d’écrire Les Confessions pour se justifier auprès de ses contemporains.(oeuvre écrite de 1765 à 1770)
1772-76 : il écrit Les Dialogues pour se justifier devant la postérité : il veut apporter le manuscrit sur l’autel de Notre-Dame de Paris, mais grilles fermées. Il y voit un signe du destin ! (comme lorsqu’il avait trouvé les portes de Genève fermées !)
1776-78 : il rédige Les Rêveries du promeneur solitaire, pour se justifier devant Dieu. Il meurt le 2 juillet 1778 à Ermenonville.

 

Conclusion 

Le titre " Les Confessions " a une connotation morale et religieuse. Se confesser, c’est avouer ses péchés, ses fautes.


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