La technique Cosmonautes Le décollage Les trucs Les disques Le changement Le déclin Maintenant Discographie sélective/Collectors
Merci à Jean-Albert Beaudenon
Révélés avec le titre ‘’Orange Blossom Special’’, les Spotnicks entrent par la grande porte dans l’univers de la musique instrumentale dominé jusque là par les Shadows et les Ventures. Beaucoup de pays y compris l’Australie et les USA seront touchés par ce raz de marée suédois qui va bouleverser tout un univers musical, jamais des guitares électriques n’avaient sonné de cette manière ! On apprendra plus tard que ce morceau a été enregistré par Bo Winberg dans son studio personnel, sans intention précise de commercialisation, et que cette dextérité fulgurante n’est en fait que le résultat de bandes accélérées, travaillées dans le seul but d’obtenir un son original. Le groupe rencontrera évidemment quelques problèmes quant il s’agira de reproduire ce morceau sur scène, et trouvera la solution. . . en ne l’interprètant jamais en public, ou seulement à l’occasion de shows télévisés, et en play-back.
La Technique
Hormis cette ‘’arnaque’’ bien involontaire, force est de reconnaître que la créativité et le son des Spotnicks sont assez exceptionnels. Bo Winberg, le soliste, qui est électronicien de formation, a conçu et mis au point le matériel d’amplification du groupe, d’où ce son hors du commun et surtout inégalé, baptisé par leurs admirateurs, ‘’Space Sound’’ ! ! La première particularité de cet équipement est une chambre d’écho à bande dotée d’un nombre de têtes d’enregistrement et de lecture beaucoup plus important que tout ce qui était disponible dans le commerce à l’époque. La résultante étant un son très ‘’enveloppant’’, semblant provenir des quatre coins des salles de concerts où le groupe se produisait. La seconde consiste en un préampli à plusieurs entrées où sont branchées les trois guitares, basse, rhytmique et solo, mixées à l’aide de trois jeux de micros Shure, le tout envoyé dans des amplis Dynaco Mark III. Le son est enfin redistribué par l'intermédiaire d'un énorme haut parleur de 30’ (soit plus de 75 cm !), pouvant dispenser des basses impressionnantes, et de 6 baffles contenant chacun deux haut parleurs Philips de 12’’. Inutile de préciser qu’avec un tel dispositif, l’environnement sonore lors des concerts était extraordinaire, en tout cas, replacé dans le contexte du début des années 60. Bo Winberg sera même à l’origine du système de transmission sans fil, de la guitare à l’amplificateur, qui ne verra le jour que de nombreuses années plus tard. Ce dispositif alors totalement inconnu, alimentera la rumeur selon laquelle ils utilisent le play-back en concert. Il fera taire les mauvaises langues en descendant de scène pour se mêler au public et démontrer que sa guitare fonctionne bien sans fil. Autres trouvailles à mettre à son crédit ; le secret d’ un dispositif anti larsen, la bête noire des guitaristes d’alors ; ainsi qu’un compresseur de dynamique, disposé entre le préampli et l’ampli, et permettant d’obtenir un son très pur par l’élimination quasi totale de l’effet de distorsion. Il passe énormement de temps dans son studio et enregistre divers morceaux où il assure toutes les parties de guitare, Peter Winsnes (qui rejoindra le groupe plus tard aux claviers) tenant la batterie. Ce qui donnera naissance à des maquettes dont certaines seront commercialisées et estampillées Spotnicks, tel ‘’Ajomies’’ qui après avoir eu droit à un nouveau mixage sera rebaptisé ‘’Karelia’’, leur valant quelques années après, un premier disque d’or au Japon. De ces séances sortiront également des titres comme ‘’Kon Tiki’’ ou ‘’Theme from Leningrad’’ diffusés sous le nom des ‘’Feenades’’, mais avec un son ne laissant aucun doute quant à l’identité des musiciens, tout au moins du soliste. Quant au répertoire des Spotnicks, son eclectisme est assez rare pour être signalé. Tout d’abord, Bo Winberg est un compositeur prolifique, et qui plus est, de talent, également très à l’aise dans les adaptations de divers styles de musiques. Il n’ hésite pas à puiser dans des sources aussi variées et inattendues que le folklore israëlien avec ’’Hava Naguila’’ ; russe,’’The Rocket Man’’ ou espagnol,’’Spanish Gipsy Dance’’ ; le country and western, ’’Midnight Special’’ ; le jazz,’’Take Five’’ ; le classique ! ! ‘’Habanera’’ et bien entendu le rock n’ roll,’’Say Mama’’. Tout cela avec des résultats parfois inégaux, voire carrément de mauvais gôut (Dark Eyes, Habanera). Mais il s’essaiera également à des reprises qui dépasseront largement en qualité les originaux, exercice pourtant délicat s’il en est. Tel ‘’Last Date’’, du musicien américain Floyd Cramer, où Bo Winberg interprète un solo tout en accords, recréant avec bonheur un chorus typiquement pianistique, et qui deviendra au fil des concerts, un des morceaux favoris du public. Du même compositeur, ‘’Hang On’’ est aussi un parfait exemple de reprise dont l’adaptation vole la vedette à l’original. Ces deux titres font d’ailleurs toujours partie du répertoire du groupe actuel. Ayant débuté en interprétant des classiques du rock, leurs premiers enregistrements témoignent d’ un manque d’orientation musicale précis, puisqu’à tour de rôle ils mettront en boîte des morceaux chantés par Bob Lander, dont un ancien air country ‘’Home on the Range’’ (le tout premier enregistrement du groupe) et ‘’Old Man River’’ ; pas vraiment des réussites, un instrumental ‘’Ghostriders in the Sky’’, ‘’Nightcap’’ un morceau de jazz, et enfin ‘’Old Spinning Wheel’’, transposé d’un air traditionnel, dont la mise en forme correspondra à la formule qui va faire leur succès. Cette grande diversité dans leur répertoire les rendra inclassables dans une catégorie bien précise, mais aura l’avantage de leur permettre de toucher un public très varié.
Cosmonautes
Pour renforcer l’effet visuel, ils revêtent des tenues de cosmonautes, en tout cas telles qu’on les imaginait à l’époque. Bo Winberg avouera quelques années plus tard avoir détesté ces costumes, qui de plus étaient très inconfortables, mais qui auront eu en tout cas le mérite de nous laisser des photos de pochettes de disques superbes avec un côté kitsch incontestable. Ces tenues changeront à plusieurs reprises ; tout d’abord dorées, absolument énormes, style bibendum avec des faux bras pendant de chaque côté, puis beaucoup plus sobres et fonctionnelles, gris métallisé avec une large ceinture noire, et enfin bleu marine et argent, sans oublier les casques ! Elles étaient l’idée de leur manager qui trouvait leur jeu de scène assez inexistant. Il créera également un logo consistant en un petit cosmonaute rigolard, genre bande dessinée, entouré du nom du groupe, le tout bien en évidence sur le plastron de leurs costumes, ainsi que sur certaines pochettes de disques. Même si les opinions sont partagées quant au bon goût de ces accoutrements, il faut bien reconnaître que c’était déjà une belle opération de marketing, qui tombait à point nommé au début de la conquête spatiale par un engin nommé ‘’Spoutnik’’ ! Néanmoins, certaines de leurs prestations scéniques se feront dans une tenue un peu plus sobre et surtout plus fonctionnelle ; chemise blanche, pantalon gris et veste bordeaux, avec juste un petit rappel de leur logo, en écusson sur la poche de veste. L’image du groupe est tellement orientée sur l’espace, les fusées et autres satellites que certains titres seront rebaptisés pour mieux coller à l’ambiance, comme ‘’Gunshot’’ créé par le groupe américain de George Tomsco, les Fireballs, qui deviendra ‘’Moonshot’’, ou ‘’The Rocket Man’’ qui est une copie (adaptation) du traditionnel russe ‘’Plaine, ma plaine’’. Ils en useront et abuseront joyeusement, d’òu l’originalité de la série ‘’Last Space Train’’, ‘’Space Party’’, ‘’Space Ship Rendez Vous’’, ‘’Space Creatures’’, ‘’Space Walk’’, ‘’Space Truck’’, et enfin ‘’Space Communication’’.
Le Décollage
Un concert donné à Stockholm leur permettra de rencontrer Roland Ferneborg qui met à leur disposition dans un premier temps, un local de répétition, puis prend en charge la destinée du groupe. Le premier contrat digne de ce nom les conduira au club ‘’Casaleon’’ à Berlin pour une durée de deux mois. Mais les grands débuts au plan international seront dûs à l’initiative d’un représentant de la maison de disques anglaise Oriole qui assiste à un de leurs shows en Suède et n’hésite pas à les signer pour une tournée en Grande Bretagne, agrémentée de passages radio et télévision, et à l’issue de laquelle ils enregistreront leur premier 33 tours en 17 heures ! ! Un peu fébriles à l’idée de se produire en ‘’Shadowsland’’, ils seront agréablement surpris par l’accueil qui leur est réservé. ‘’Le public était conquis dès les premiers accords de notre morceau d’entrée The Spotnicks Theme’’ raconte Ove Johansson, ‘’car les groupes qui nous précédaient jouaient sur des amplis Vox comme les Shadows et sonnaient tous de manière identique’’. Ce tour de Grande Bretagne, bien que couronné de succès, se fera à un rythme et dans des conditions éprouvants. Plusieurs shows dans la même journée, des milliers de kilomètres parcourus dans un bus au chauffage récalcitrant, transportant également le matériel, et faisant quelques fois office de chambre d’hôtel. Mais leur réputation s’en trouvera désormais établie et les tournées suivantes se feront dans de bien meilleures conditions. C’est à l’Olympia, lors des fameux ‘’Musicoramas’’ qu’ils se produiront en France dès la fin 1962, pour la première fois très exactement le 28 Novembre, puis effectueront dans les mois qui suivent de nombreuses tournées à travers notre pays. Leurs innombrables périples les conduiront dans la plupart des contrées européennes, où ils en profiteront pour graver des albums intitulés ‘’In London’’, ‘’In Paris’’,’’In Spain’’, ‘’In Berlin’’, ‘’In Stockholm’’ etc..., même si les endoits où sont réellement faits ces enregistrements ne correspondent pas vraiment au lieu indiqué sur la pochette. Certains morceaux seront d’ailleurs enregistrés à plusieurs reprises (Moonshot, The Spotnicks Theme, Johnny Guitar, etc..) et donc commercialisés suivant les pays dans des versions légèrement différentes. Deux exemples typiques sont ‘’High Flying Scotsman’’ dont le solo est totalement différent entre les pressages anglais et français, et celui de‘’Moonshot’’ qui en plus d’être assez ‘’approximatif’’ et légèrement noyé au mixage sur le premier, faisant plutôt penser à une bande démo ; est en revanche d’une parfaite clarté sur l’album français. Il faut néanmoins préciser que sur le pressage anglais, ce solo est interprété avec des notes ‘’étouffées’’, donnant un rendu très différent, mais certaines notes sont carrément inaudibles Plus surprenante est la seconde version de ‘’Hava Naguila’’ avec accompagnement de cordes et chœurs féminins, pas franchement désagréable, accentuant le côté oriental du morceau, mais bien loin du style Spotnicks. Au plus fort de leur succès, une tournée aux USA sera organisée, puis malheureusement annulée au dernier moment, pour cause de problèmes administratifs. Ce qui n’empêchera pas Bo Winberg de se rendre à Los Angeles en 1965 d’où il rapportera un autre exemplaire de sa guitare fétiche, une Fender Stratocaster, ‘’Cette guitare est fabuleuse’’, dit il, ‘’même branchée sur un Marshall, elle a le son Spotnicks’’. Il faut d’ailleurs savoir, que contrairement à ce qu’on pourrait penser, toutes les ‘’Strats’’ ne sonnent pas de manière identique, cela dépendant de nombreux facteurs, entre autres, des essences de bois utilisées pour leur élaboration ou des micros, le toucher du guitariste étant lui aussi essentiel dans la spécificité d’un son. C’est cette même guitare qu’il utilise toujours actuellement, l’état du vernis (on devine à grand peine la couleur d’origine) peut témoigner des innombrables séances d’enregistrement et tournées auxquelles elle a participé, mais la brillance sonore est toujours bien là.
Les Trucs !
Les costumes de cosmonautes n’étaient heureusement pas l’image de marque principale du groupe, leur point fort était le son. Un son d’une clarté, d’un relief et d’une puissance quasiment inconnus jusque là. Si le secret de ce son Spotnicks résidait dans l’équipement conçu par Bo Winberg, les guitares elles mêmes avaient eu droit au traitement maison, en particulier la guitare basse de Björn Thelin qui avait été fabriquée entièrement par ce génie de l’électronique. En revanche, il se défend d’avoir modifié en quoi que ce soit sa propre guitare : ’’La Stratocaster est tellement excellente qu’on ne peut rien lui apporter de plus’’. Une des recettes révélées par Bo est l’utilisation de cordes de fort tirant (057-012 pour les spécialistes), très peu souples permettant une attaque bien franche, ainsi qu’une technique particulière, qui consite à jouer le plus possible en haut du manche, soit sur les sept premières cases, de manière à obtenir un son très clair, profitant également de ce fait, de la résonnance des notes jouées en cordes à vide. Malgré l’apparente simplicité de cette explication, les guitaristes comprendront aisément la difficulté de l’exercice, à moins de posséder des mains largement dimensionnées. Autre règle d’or révélée par le soliste, ne jamais utiliser d’amplificateur ou de guitare avec les potentiomètres graves, aigus ou volume tournés au maximum, toujours adopter des positions intermédiaires. Il est également intéressant d’analyser le jeu très particulier de Bo Winberg, influencé entre autres par certains guitaristes américains tel Chet Atkins dont la technique en ‘’picking’’ remplit beaucoup plus l’espace sonore que celle de guitaristes comme Hank Marvin, qui ne jouent qu’une note à la fois. Un bon nombre de parties solo des Spotnicks sont interprétées en accords de trois, voire quatre notes jouées simultanément ou en arpèges, ce qui donne beaucoup plus de profondeur. Si les Spotnicks sont d’excellents musiciens ; tout comme leurs homologues anglais les Shadows, ils ne font pas preuve d’une virtuosité exceptionnelle. Il était donc difficile de se distinguer parmi tous ces groupes instrumentaux qui florissaient tant et plus au début des années 60. Ils ont fait la différence sur la qualité de leurs prestations scéniques, et surtout de leurs enregistrements ; chose bien difficile à l’époque où les ingénieurs du son n’étaient pas vraiment habitués aux groupes de rock, mais plutôt aux orchestres classiques ou de variétés. Les premiers titres enregistrés en Suède sont déjà une petite révolution, par la densité de l’ensemble, basés sur un puissant soutien basse /guitare rhytmique inhabituel dans la plupart des enregistrements de l’époque ; sur lequel se détache parfaitement la guitare solo, mais avec un son de batterie un peu trop en retrait ;telle peut-être la définition du son Spotnicks des débuts. Cette particularité est flagrante sur des titres comme ‘’Galloping Guitars’’,’’The Rocket Man’’ ou ‘’What d’I Say’’ où les percussions semblent quasiment inexistantes. Quant à leur morceau fétiche,’’The Spotnicks Theme’’, la batterie se fait vite oublier après une intro prometteuse, ce qui a fait dire aux critiques musicaux que leurs interprétations étaient un peu rigides et manquaient de swing. Ce point sera aisément démenti à l’écoute de l’album paru en 1966, ‘’Live in Japan’’ où leur incontournable morceau d’entrée, interprété, il est vrai, avec Jimmy Nicol à la batterie, fait preuve d’une puissance et d’un dynamisme étonnants. Un pas de plus est franchi dans les studios londoniens Oriole où sont mis en boîte des titres comme ‘’Pony Express’’,’’Old Faithfull’’ ou’’Happy Guitar’’ proches de la perfection technique, et parfaits exemples du ‘’Spotnicks Sound’’ (expression qui sera utilisée pour des titres d’albums). Une balance mieux équilibrée, une brillance et une profondeur de la guitare de Bo Winberg incomparables. L’ évolution suivante apparaîtra à l’occasion du premier changement de batteur qui fera ses débuts lors des séances où sont enregistrés ‘’Take Five’’,’’Pick a Bale of Cotton’’ ou ‘’Spanish Gipsy Dance’’. Chaque instrument se détache clairement, y compris la batterie, avec la guitare solo un peu moins en avant. C’est ce type de son qu’on retrouvera dorénavant sur les trois albums suivants. L’instrumental n’est pas leur seule spécialité, Bob Lander, le guitariste rhytmique possède un joli filet de voix et puise une partie du répertoire dans les succès de son idole Gene Vincent ainsi que dans les standards du rock et de la country’’Swing Low Sweet Chariot’’,’’Be Bop a Lula’’, etc, le tout agrémenté d’un accent suédois des plus surprenants. Mais malgré leur bonne volonté et leur talent, la magie n’opère pas comme sur les instrumentaux. La preuve en est avec ‘’Midnight Special’’ qui ne décolle vraiment que grâce aux excellents chorus de Bo Winberg. Les batteurs vont en outre se succéder au fil des années, l’anglais Derek Skinner remplaçant Ove Johansson (1963), puis Jimmy Nicol intègrera la formation (1965) mais quand celle-ci commencera à entamer son déclin. Quant au bassiste Björn Thelin, il reste fidèle au groupe jusqu’à la fin des années 60, et tient sa place d’une manière des plus efficaces. Après un bref retour dans les années 70, il deviendra un musicien de studio réputé.
Les Disques
Le premier album à paraître en France s’appelle ‘’The Spotnicks in Paris’’, un 25 cm constitué de titres de leur premier LP ‘’In London’’, plus deux morceaux, ‘’Telstar’’ et ‘’Carry me Back’’ enregistrés par Bo Winberg et parus en Suède sous le nom des ‘’Shy Ones’’. Les autres mélodies constituent une belle brochette de ce qui deviendra les classiques du groupe, ’’The Spotnicks Theme’’,’’Galloping Guitars’’ ou ‘’The Rocket Man’’ malheureusement déjà disponibles sur leur premier 45 Tours avec ‘’Orange Blossom Special’’. Si la pochette est superbe, le contenu est limité du fait du format, puisque seulement dix titres y figurent pour 14 sur l’album 30 cm original, ne nous donnant au bout du compte, la primeur que de six nouveautés. Il est à noter que nous avons sur ce disque les versions dites ‘’alternatives’’ de ‘’Moonshot’’ et ‘’High Flying Scotsman’’. Même traitement pour le deuxième album, encore un 25 cm, avec une photo de pochette réellement splendide , qui d’ailleurs deviendra pratiquement un classique et sera réutilisée pour habiller de nombreuses compilations ; et comprenant surtout de superbes réussites comme ‘’Pony Express’’, ’’My Old Kentucky Home’’ ou ‘’Happy Guitar’’. Cette fois ci encore, seulement dix titres tirés du LP intitulé ‘’In Paris’’ dans les autres pays, en forment le contenu ; sans parler de ‘’Comme ci Comme ça’’ déjà paru en 45 tours et tout à fait dispensable, si l’ on excepte le pont et sa progression tout en accords très réussi. C’est à cause de cette politique quelque peu incohérente de leur maison de disques française Président que nous passerons à côté de classiques tels que ‘’The Old Spinning Wheel’’, ’’Last Date’’,‘’Just Listen To My Heart’’ ou ‘’Trambone’’ entre autres ;jusqu’à ce qu’ils figurent sur des 45 tours édités un peu plus tard ainsi que sur les réeditions en CD à la fin des années 80. C’est d’autant plus regrettable que trois de ces morceaux ont toujours fait partie du répertoire scénique du groupe. Le troisième album français intitulé ‘’Space Party with The Spotnicks’’ sera encore un 25 cm agrémenté d’une pochette somptueuse dont nous serons les seuls à profiter, malheureusement avec un contenu identique en quantité aux précédents. Le record de remplissage sera presque battu cette fois ci puisque trois titres sur les dix sont déjà parus en 45T. Musicalement, le son Spotnicks est sérieusement renforcé par le jeu puissant mais tout en finesse du nouveau batteur, particulièrement en évidence sur ‘’Windy and Warm’’,’’She She little Sheila’’ et ‘’Space Ship Rendez Vous’’. En compensation, les pochettes des 45 tours commercialisés à cette époque seront de la même veine que celles des 33 tours, certaines uniquement publiées en France (volumes 3,4,6 et 8), et qui deviendront des pièces recherchées par les collectionneurs étrangers. C’est avec ‘’Orange Blossom Special’’ que sera commercialisé en octobre 1962, le tout premier 45 tours des Spotnicks dans notre pays ; nous les révèlant habillés de costumes complètement surréalistes, revêtus, espérons le, uniquement pour la circonstance (voir description plus haut). Les 45 tours EP se succèderont à un rythme soutenu, et avec le volume 2 (Janvier 1963), dont la photo de pochette est tirée du film anglais ‘’Just for Fun’’ ou le groupe fait une apparition, une surprise est au rendez vous. Deux titres sont chantés dont ‘’Hey Good Looking’’ de Hank Williams; le thème instrumental du film ‘’Johnny Guitar’’ venant compléter le côté ‘’américain’’ cher aux membres du groupe. Ces deux morceaux deviendront des piliers de leur répertoire, tout comme ‘’Amapola’’et ‘’Hava Naguila’’, les deux titres vedette du 45 tours suivant (Fevrier 1963). Les volumes 4 (Mars 1963) et 5 (Avril 1963) seront publiés à quelques semaines d’intervalle, nous offrant la primeur de leur nouvelle tenue de scène, une évolution musicale réussie avec ‘’Pick a Bale of Cotton’’,’’The Outlaws’’ ou ‘’Take Five’’, et toujours cette fâcheuse habitude de nous resservir un titre sur les quatre déjà paru en 33 T. Egalement au rendez vous, la petite faute de goût ponctuelle avec la reprise de l’espagnolade ‘’Spanish Gipsy Dance’’(appelé aussi ‘’Espana Cani’’), grand classique de l’accordéon dans les bals de province. Le seul intérêt du volume 7 intitulé ‘’Touring France’’ ne vaudra que pour sa superbe pochette illustrée à l’aide de clichés pris lors d’une récente tournée, donnant de ce fait l’illusion d’un enregistrement en public, mais il n’en est rien, car les quatre titres retenus sont issus des deux 25 cm précédents. En revanche, le volume 8, marquera le début de la commercialisation de titres certes moins récents, mais inédits en France jusqu’ alors tels ‘’Buttons and Bows’’, enregistré à Paris et disponible uniquement dans notre pays, ‘’Just Listen to my Heart’’,’’Trambone’’,’’Joey’s Song’’ et d’autres cités plus haut. Une dizaine de 45 T simples seront également édités par Président mais pratiquement hors commerce, puisque destinés aux Juke Boxes. Autre satisfaction, nous aurons droit à des raretés, commercialisées pratiquement dans notre seul pays, ainsi qu’en Suède bien entendu, tel ‘’Last Space Train’’ composé par Albert Raisner, et appelé ‘’Le Dernier Train de l’Espace’’ sur les pressages étrangers pour la touche exotique de rigueur. Une autre exclusivité française sera la sortie d’un 30 cm intitulé ‘’Devenez le soliste des Spotnicks’’ constitué de classiques du groupe, certains réenregistrés pour la circonstance :’’The Spotnicks Theme’’ et ‘’Galloping Guitars’’, suivis des version d’accompagnement destinées aux guitaristes amateurs. La même recette sera utilisée avec le 45 tours ‘’Devenez le chanteur des Spotnicks’’, comprenant un inédit ‘’Blue Blue Day’’ de Don Gibson et ‘’Say Mama’’ de Gene Vincent.
Le Changement
Mais peu après la sortie de ces albums, c’est Polydor qui met sur le marché le 30 cm ‘’The Spotnicks in Spain’’, avec le même contenu que le 25 cm Président Vol 3, plus des titres additionnels enregistrés lors des mêmes séances. De ce fait, le 25 cm Président restera dans les bacs des disquaires et deviendra une rareté pour les collectionneurs, le public lui ayant préféré le 30 cm Polydor plus complet, et sorti presque simultanément. Ce disque marque pour une partie de son contenu, un retour aux expérimentations en studio de Bo Winberg, avec des bandes qu’on devine accélérées ou retravaillées, comme ‘’Drina’’, ‘’Bach goes to Sea’’ ou ‘’Valentina’’ plutôt discutables, heureusement compensées par des perles du style ‘’Hang on’’ ou ‘’Space Party’’ La satisfaction d’avoir enfin un 33 Tours 30 cm comme nos voisins européens est en revanche un peu gâchée par une pochette quelconque (identique aux autres pays), dont l’esthétique ne restera pas dans les annales. L’origine de ce changement de label étant que les Spotnicks sont maintenant distribués en Suède par Swedisc au lieu de Karusell. Pour la France, Président reprendra le flambeau quelque temps plus tard, avant de faire faillite et de céder définitivement la diffusion à Polydor. C’est toujours chez Polydor, qui heureusement se rattrape au niveau présentation, avec une splendide photo du groupe, que sortira l’album suivant intitulé simplement ‘’The Spotnicks’’, mais commercialisé à l’étranger sous le nom ‘’The Spotnicks in Stockholm’’. Le style du groupe commence à amorcer un changement de cap radical, les titres chantés sont dorénavant plus nombreux ( huit contre cinq instrumentaux) et fortement inspirés par les productions des Beatles ou des Beach Boys. Les qualités vocales des Spotnicks sont d’ailleurs tout à fait honorables et des titres comme ‘’Sabeline’’ ou ‘’I know a Secret’’ démontrent leur parfaite maitrise dans les harmonies à trois voix. Mais ces chansons restent malgré tout de pâles imitations de la tendance de l’époque. Il reste heureusement des instrumentaux fidèles à l’esprit Spotnicks comme ‘’Cape Kennedy’’,’’Space Creatures’’ ou ‘’Take us to your Leader’’ qui sont de parfaites réussites. Deux 45 tours sortiront également, malheureusement sans aucun titre nouveau, alors qu ’à l’étranger se succédent des singles qui n’arriveront même pas jusque chez nous comme’’Bye Bye Blues’’,’’Git it’’ ou ‘’Lovesick Blues’’. Le premier sera tiré de ‘’The Spotnicks in Spain’’, avec une pochette noir et blanc, malheureusement de la même veine que celle de l’album ; le second avec quatre chansons provenant du 33 tours suivant et un visuel beaucoup plus réussi. L’évolution musicale se fait de plus en plus évidente pour l’album suivant ‘’The Spotnicks in Berlin’’, qui ne sera même pas distribué en France, et où les morceaux chantés, dont les influences sont aussi diverses que déconcertantes, constituent près des trois quarts du disque. Bo Winberg ne sera d’ailleurs pas satisfait du résultat final, retravaillera certains titres dans son propre studio, allant même jusqu’à en réenregister d’autres entièrement . Un single sera malgré tout tiré de l’album ( sauf en France) avec deux instrumentaux ‘’Shamus O’ Toole’’ et ‘’Divided City’’ du meilleur cru, qui feront encore plus amèrement regretter la nouvelle orientation musicale du groupe. Ce disque marquera plus ou moins la fin d’une époque pour les fans de la première heure, qui commenceront à se détourner petit à petit du groupe.
Le Déclin
Mais comme pour toutes les formations instrumentales de ce style, le raz de marée anglo saxon mené par les Beatles, Rolling Stones et autres Yardbirds aura raison de ce style particulier. Les Spotnicks, tout comme les Ventures et les Shadows essaieront bien de se mettre au diapason mais sans succès, et trouveront refuge pour certains au Japon où l’on est encore friand de ce genre de musique. Un cinquième membre jouant des claviers sera même adjoint afin d’étoffer le son. C’est donc avec une formation augmentée que sera enregistré l’album ‘’At home in Gothenburg’’ où Peter Winsnes partage les vocaux avec Bob Lander, et sur lequel on cherche vainement le vrai son Spotnicks pour y trouver celui d’un orchestre de variétés, sans véritable direction musicale précise. Seuls morceaux rescapés de ce naufrage, ‘’Space Walk’’, un très bon instrumental dans la lignée de leurs grands classiques, et l’étonnant ‘’I’ve lost You’’, chanté par Bob Lander, une superbe mélodie toute en nuances qui aurait pu, s’ils avaient voulu persévérer dans ce style, leur permettre de relancer leur carrière. Ils laisseront quelques albums mémorables (les 3 premiers) et des 45 tours d’où se détachent des titres tels que ‘’The Rocket Man’’, ‘’The Spotnicks Theme’’,’’ Last Date’’, ‘’Amapola’’, ‘’Moonshot’’, ‘’Pony Express’’, ‘’Old Spinning Wheel’’, ‘’Hang on’’,’’Space Party’’, etc, la liste est impressionnante. Dans les années 70, avec une formation totalement renouvelée autour de Bo Winberg, ils obtiendront un énorme succès (le dernier) avec ‘’If you could read my mind’’ de Gordon Lightfoot, une superbe mélodie rappelant un peu le style de leurs débuts. Leurs productions iront dans des directions les plus diverses, aussi bien au niveau du son, que des choix musicaux, mais en revenant occasionnellement à leurs premiers succès. Au gré du va et vient incessant des guitaristes entourant Bo Winberg, ils essaieront de coller au gôut du public en adoptant la distorsion, et reprendront des morceaux des Doobie Brothers, de Marvin Gaye, etc.., mais reviendront petit à petit, avec plus ou moins de bonheur, au style de leurs débuts avec, entre autres, de belles reprises de ‘’Diamonds’’, ‘’Wildwood Flower’’ ou ‘’Sleepwalk’’. A la demande probable de leur maison de disque, ils réenregistreront de nouvelles versions des morceaux ayant fait leur renommée (Chartoppers Recorded 1977 & The Spotnicks 1997), ‘’Amapola’’ détenant le record avec quatre versions différentes.